En effet, si le modèle culturel et la forme de vie de l’Occident ne sont pas généralisables, comme beaucoup l’affirment, si l’idée d’étendre les niveaux de revenus et de consommation de l’Occident à toute la planète est une utopie dangereuse, nous devons nous poser la question suivante : la protection des modèles culturels non productivistes relève-t-elle une nostalgie irréaliste, ou n’est-ce pas plutôt le problème fondamental que devra affronter l’humanité dans les décennies à venir ? Inversement un modèle culturel fondé sur des paramètres autres que ceux de la productivité et de la consommation peut-il résister aujourd’hui à l’offensive culturelle – mais aussi économique et politique – de l’Occident ? « Le modèle culturel de l’Occident, avec sa puissance et sa tendance constante à l’expansion, est-il capable de tolérer des sociétés régies par des principes d’organisation différents, des modèles culturels non fondés sur le dynamisme ininterrompu, sur la production illimitée ? Lors du match, c’est tout le contraire qui se produit et l’OL encaisse sa plus lourde défaite à Gerland face au voisin stéphanois, piqué au vif par les déclarations lyonnaises.
Et en effet, elle est là, cette dépression économique qui travaille et taraude la ville, mais plus subtilement si Marseille ne sait plus bien où elle en est, si elle s’inquiète et se cherche, c’est que ce Sud dont elle était le Nord jusqu’ici, se retire tandis que le Nord dont elle était le Sud se détourne d’elle pareillement, la laissant en rade. Marseille et Naples seraient-elles devenues des « nuances du Nord », comme le suggère, à propos de la seconde – sa ville natale -, Erri De Luca dans Rez-de-chaussée (Rivages) ? On accélère le mouvement : les îles du Frioul, le Vieux Port, le Panier, la Corniche, Notre-Dame de la Garde, et la baie, encore, « la baie, immense, belle, la plus belle sans doute après celle de Naples », comme disait Jean-Claude Izzo. Pas sûr. Les paysans, transformés en ouvriers et recyclés dans l’industrie lourde, se seraient-ils résignés à n’être plus aujourd’hui que des chômeurs tapis dans l’ombre ? Et non. De ces deux villes, voilà que de singulières formes de résistances artistiques et de rébellions sociales viennent souffler dans les bronches de l’homologation et du capitalisme. En football, la distance entre ces deux villes est une des plus faibles pour deux clubs évoluant en Ligue 1 (actuellement, seule la distance séparant Monaco-Nice est moins élevée).
Tout est là. Entre Naples et Marseille, dans ces frôlements entre l’art et le travail, c’est, au-delà de la beauté du geste, une alternative au terrorisme de la comptabilité, aux lois d’airain de la compétition mondiale que, dans nos pôles Nord de prescience, il faut désormais apprendre à rechercher. A Naples et à Marseille, dans les frôlements entre l’art et la vie, c’est une résistance au terrorisme culturel et social de l’ultra-libéralisme qui s’élabore, pierre après pierre, depuis des dizaines d’années. Naples et Marseille ont décidément des choses à se dire, à nous dire. C’est la fête de Rifondazione comunista à Pomigliano d’Arco, petite bourgade à l’ombre du Vésuve, dans la banlieue industrieuse de Naples. « Je vois pas pourquoi c’est toujours les lieux où ont vécu les rois, les riches et les papes qu’on protège, s’insurgeait Caroline dans Marius et Jeannette. Chemise ouverte, les yeux noyés dans la mer, Charles Hoareau savoure la victoire. Enfin, il dénoue ses mains, et laisse apparaître la barbe de Charles Hoareau. Le soleil lustre l’eau, l’homme tangue un rien, fait brusquement volte-face, serre son plan et laisse longuement le béton du Plan d’Aou imprimer sa rétine. « Les gens n’y comprennent rien, explique Angelo De Falco, dans une lame de fond d’amertume, mais ça n’est pas grave.
Ensemble, les Zezi détournent les airs traditionnels, y insufflent des dénonciations des conditions de travail dans les usines de Pomigliano comme des hymnes pour la libération d’Oçalan, et voilà que, sur leurs terres, la municipalité offre, grâce au concours financier du patron Alfa Romeo, un jazz liquoreux, de la piquette qui ne pique pas, prélevée dans le grand supermarché d’une musique aseptisée, à leurs concitoyens. C’était l’âge d’or. Il n’aura pas duré plus d’une décennie. L’Europe a aussi confondu son image, son visage, sa figure et son lieu même son avoir-lieu, avec celle d’une pointe avancée, dites d’un phallus si vous voulez, donc d’un cap encore pour la civilisation mondiale ou la culture humaine en général. « L’Europe n’est pas seulement un cap géographique qui s’est toujours donné la représentation ou la figure d’un cap spirituel, à la fois comme projet, tâche ou idée infinie, c’est-à-dire universelle : mémoire de soi qui se rassemble et s’accumule, se capitalise en soi et pour soi.
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